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Catégorie : Pratique et techniques de la CM
6 février 2023

Choix du matériau acier vis-à-vis de la rupture fragile – 1re partie

Cet article en trois parties explique la prise en compte de la rupture fragile selon la norme NF EN 1993-1-10 et selon le rapport JRC-CECM EUR 23510 servant de son document d’information.

Cette1re partie présente le phénomène de la rupture fragile et son traitement selon les deux documents cités ci-dessus.

Prise en compte de la rupture fragile

Phénomène de rupture fragile

Les structures en acier, calculées à partir des caractéristiques obtenues par essai de traction, sont à l’abri de la rupture ductile, du moins tant que les conditions de service correspondent au mode opératoire de cet essai et que les sollicitations appliquées au matériau ne dépassent pas sa résistance ou sa capacité de déformation.

Note : la rupture ductile est la rupture du matériau qui présente une déformation plastique substantielle avant la rupture. Le processus de rupture ductile est lent et donne un avertissement suffisant avant la séparation finale.

Cependant, elles ne sont pas systématiquement à l’abri de la rupture fragile qui peut intervenir pour des niveaux de sollicitations plus faibles et de façon brutale dans des zones en traction.

Note : la rupture fragile est la rupture soudaine et rapide du matériau dans laquelle le matériau présente peu ou pas de déformation plastique. Ceci est caractérisé par une défaillance rapide sans préavis.

Le risque de la rupture fragile est particulièrement à prendre en considération dans les conditions suivantes :

  • basses températures ;
  • grandes vitesses de chargement ;
  • défauts préexistants à la mise en service ;
  • fissures créées en service par fatigue.

Ce type de rupture est caractérisée par la propagation très rapide des fissures à partir d’un défaut préexistant ou d’une fissure de fatigue, qui en facilitent l’amorçage par suite de la concentration de contraintes que ces défauts et fissures provoquent.

Quantification de la résistance à la rupture fragile

II apparaît donc comme fondamental de caractériser quantitativement la résistance à la rupture fragile. C’est le but de la mécanique de la rupture qui permet de calculer les tailles critiques de défauts préexistants ou de fissures de fatigue qui, sous des contraintes données, peuvent provoquent des ruptures fragiles. Ces tailles critiques dépendent de la ténacité du matériau, caractéristique de l’acier qui lui permet de garder sa ductilité, en termes de mécanique de la rupture.

La détermination de la ténacité à la rupture Kmat,d passe par des essais de ténacité qui utilisent des éprouvettes particulières, pouvant atteindre de très fortes épaisseurs et conduire à des essais très coûteux, ou même impossibles à réaliser si le matériau n’est pas disponible dans l’épaisseur considérée.

Note : la ténacité à la rupture (Kmat,d, en [Pa √m], soit [kg / √m s²]) se définit comme la résistance d’un matériau à la propagation de fissures instables sous contraintes élastiques. Elle est déterminée par les essais de traction lente, selon les normes ISO 12135 et NF EN ISO 15653, sur une éprouvette spécifique (éprouvette CT – Compact Tension), dont la forme est toujours la même, mais dont les dimensions dépendent des dimensions de la pièce étudiée.

Il a donc été rapidement cherché des corrélations de la ténacité avec la résilience KV quantifiée à l’aide de l’essai Charpy caractérisant la résilience (la qualité) de l’acier par le biais de la température de transition (T27J pour les nuances d’acier les plus utilisées), simple d’exécution et le plus couramment utilisé lors des contrôles en usine.

Note : la résilience (KV, en [J / cm²], soit [kg / s²]) se définit comme la capacité d’un matériau à absorber l’énergie d’un choc en se déformant (déformation rapide). Il s’agit de l’énergie de rupture, déterminée par essai Charpy, selon la norme NF EN ISO 148-1, sur une éprouvette de petite taille dont la section est de 1 cm2. La comparaison de tailles entre une éprouvette CT et l’éprouvette type Charpy est donnée à la Figure 1.

Figure 1 : Une éprouvette CT, à gauche, et l’éprouvette Charpy, à droite

De nombreuses formules empiriques ont ainsi été proposées pour évaluer la ténacité à partir de la résilience et, pour la plupart, elles concernent les valeurs mesurées correspondant à un mode de rupture fragile dans laquelle le matériau présente peu ou pas de déformation plastique.

Les essais, qu’ils soient utilisés pour déterminer la ténacité ou la résilience, montrent que les paramètres d’influence sur une pièce en acier étudiée sont :

  • nuance d’acier,
  • qualité d’acier,
  • température,
  • niveau de contrainte,
  • épaisseur.

Choix de l’acier vis-à-vis de la rupture fragile

Il existe différentes méthodes pour analyser l’absence de ductilité, dont la méthode R6 modifiée (méthode des deux critères), développée au Royaume-Uni à partir des années 1970 par le CEGB (Central Electricity Generating Board). C’est cette méthode qui a servi de base pour le développement de la méthodologie générale proposée dans la norme NF EN 1993-1-10 et détaillée dans le rapport JRC-CECM de Sedlacek et al (EUR 23510).

Le but de cette méthodologie est de se prononcer sur l’adéquation du choix de la qualité d’un acier donné, vis-à-vis de sa ductilité, par une des deux approches suivantes :

  1. Utilisation du Tableau 2.1 de la NF EN 1993-1-10 sous réserve de respecter toutes les conditions permettant son utilisation. Cette approche est détaillée dans la 2e partie de cet article ;
  2. Dans le cas où le Tableau 2.1 n’est pas applicable, notamment à cause de la découverte d’un défaut ou pour des qualités d’acier non convenables, c’est le rapport JRC-CECM EUR 23510 qui donne des indications nécessaires. Cette procédure se limite donc à un nombre de situations relativement rarement rencontrées dans la pratique. Cette approche est détaillée dans le 3e partie de cet article.

Note : Il est généralement nécessaire de se prononcer sur l’adéquation du choix de qualité d’un acier donné par une des deux approches indiquées ci-dessus pour tous les éléments à l’exception de ceux qui sont entièrement comprimés. Il y a lieu de préciser que les deux approches ont été essentiellement développées pour les structures susceptibles à la fatigue.

Références

ISO 12135 : Matériaux métalliques – Méthode unifiée d’essai pour la détermination de la ténacité quasi statique ; ISO, 2021.

NF EN 1993-1-10 : Eurocode 3 – Calcul des structures en acier – Partie 1-10 : Choix des qualités d’acier ; AFNOR, 2005.

NF EN ISO 148-1 : Matériaux métalliques – Essai de flexion par choc sur éprouvette Charpy – Partie 1 : méthode d’essai ; AFNOR, 2017.

NF EN ISO 15653 : Matériaux métalliques – Méthode d’essai pour la détermination de la ténacité quasi statique à la rupture des soudures ; AFNOR, 2018.

Sedlacek G. et al: Commentary and worked examples to EN 1993-1-10 “Material toughness and through thickness properties” and other toughness oriented rules in EN 1993; JRC-ECCS, EUR 23510 EN, 2008.

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Mladen Lukić , directeur de projet de recherche, CTICM

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