Déversement d’une poutre console
Une poutre en console à section en I, non maintenue latéralement, est souvent très sensible au risque de déversement. Le moment critique de déversement dépend fortement des conditions d’appui. Cet article attire l’attention du calculateur sur certains aspects du comportement d’une telle poutre.
Introduction
Dans la vérification de résistance au déversement d’une poutre, le moment critique, Mcr, doit être déterminé en accordant une attention particulière aux conditions aux limites.
Cet article traite de la résistance au déversement d’une poutre console, à section en I fléchie dans son plan de forte inertie. L’influence de certains paramètres de calcul sur le moment critique et, par conséquent, sur la résistance au déversement est mise en évidence par quelques exemples simples pour lesquels le moment critique est calculé avec le logiciel LTBeamN [1].
Application de la formule usuelle du moment critique de déversement
L’annexe nationale de l’Eurocode 3 Partie 1-1 [2, 3] contient une expression du moment critique de déversement. Celle-ci a été principalement établie pour une poutre reposant sur deux appuis simples dits « à fourche » mais elle n’est pas directement applicable aux poutres consoles. En revanche, Y. Galéa [4] propose une formulation dédiée aux poutres consoles à extrémité entièrement libre, reprise dans la référence [5].
Note : un appui à fourche présente les conditions suivantes :
- Blocage en déplacement latéral ;
- Blocage en rotation autour de l’axe longitudinal de la poutre ;
- Rotation libre autour de l’axe de faible inertie de la section ;
- Gauchissement libre.
Schéma statique de la poutre
Il est fréquent qu’une poutre sur deux appuis simples présente une partie en console. Dans ce cas, la partie en console et la partie entre appuis ne peuvent généralement pas être étudiées séparément. Il est fortement conseillé que le moment critique de déversement soit déterminé en tenant compte du comportement de la poutre dans son ensemble. Cela dépend bien sûr des dispositions constructives adoptées au droit de l’appui du côté de la console.

Dans la suite, seules les poutres consoles encastrées, en flexion dans le plan vertical sur un support rigide sont considérées.

Influence du maintien en gauchissement à l’encastrement
Une poutre console est souvent fixée au support par une platine d’about soudée à son extrémité. Lorsque l’extrémité opposée est entièrement libre (aucun appui), il convient que l’assemblage soit suffisamment rigide vis-à-vis de la flexion dans le plan vertical mais aussi vis-à-vis de la flexion dans le plan horizontal. L’hypothèse de comportement vis-à-vis du gauchissement de la section à l’encastrement a en outre une influence significative sur le moment critique de déversement.
Prenons le cas d’une poutre console de longueur 3,50 m, constituée par un profilé IPE 270. Cette poutre est soumise à une charge gravitaire uniformément répartie de 10 kN/m que l’on considère comme appliquée au centre de cisaillement de la section. A l’encastrement, les déplacements et les rotations sont bloqués.
Le moment critique de déversement est calculé pour les deux cas suivants :
- Gauchissement libre : Mcr = 240,1 kN.m
- Gauchissement empêché : Mcr = 444,7 kN.m
Pour cet exemple, le simple fait de bloquer le gauchissement augmente le moment critique d’environ 85%.
La Figure 3 représente le mode propre d’instabilité élastique de la poutre-console. Il y a lieu de remarquer que le déplacement latéral de la semelle tendue est plus important que celui de la semelle comprimée.

Comme il est assez difficile de justifier un bloquage total en gauchissement de la section, l’hypothèse généralement retenue est de considérer le gauchissement comme libre, ce qui place du côté de la sécurité.
Maintien latéral à l’extrémité libre de la console
En reprenant l’exemple précédent, il est possible d’augmenter le moment critique de déversement en ajoutant un blocage en déplacement latéral à l’extrémité de la console, sans empêcher la rotation de la section autour de l’axe de la poutre et en supposant le gauchissement libre à l’encastrement. La valeur du moment critique dépend de la position du maintien latéral sur la hauteur de la section :
- Au niveau de la semelle supérieure : Mcr = 872,9 kN.m
- A mi-hauteur de la section : Mcr = 551,3 kN.m
- Au niveau de la semelle inférieure : Mcr = 277,2 kN.m
Il est intéressant de noter qu’il est beaucoup plus efficace de maintenir la semelle supérieure tendue que la semelle inférieure comprimée. Cela peut s’expliquer par le fait qu’en l’absence de maintien latéral, on observe un déplacement latéral de la semelle supérieure plus important que celui de la semelle inférieure dans le mode propre d’instabilité élastique.
Références
[1] Logiciel LTBeamN v2.0.1 – Déversement élastique des poutres fléchies. Téléchargement gratuit . CTICM.
[2] NF EN 1993-1-1 : Eurocode 3 – Calcul des structures en acier. Partie 1-1 : Règles générales et règles pour les bâtiments. AFNOR. Octobre 2005.
[3] NF EN 1993-1-1/NA : Eurocode 3 – Calcul des structures en acier. Partie 1-1 : Règles générales et règles pour les bâtiments. Annexe nationale à la NF EN 1993-1-1. AFNOR. Mai 2007.
[4] Galéa, Y., Moment critique de déversement élastique des poutres-consoles à extrémité entièrement libre. Revue construction métallique n°3-2005. CTICM.
[5] Lebastard, M., Déversement élastique des poutres-consoles. Site Métalétech. Téléchargement ici
Alain Bureau, chef du service recherche construction métallique – CTICM