Renforcement d’une poutre par un plat soudé
Cet article fournit des informations sur le renforcement d’une poutre en flexion simple, par un plat soudé sur l’une des semelles, en se référant aux règles de l’Eurocode 3. Il traite plus particulièrement de l’évolution de la classe de la section avec l’ajout d’un plat de renfort.
Cet article couvre les sections en I, laminées à chaud ou reconstituées par soudage, à semelles égales.
Deux exemples sont donnés dans l’article « Renforcement d’une poutre par un plat soudé sous une semelle – Exemples ».
Les points d’attention
Dans un contexte de calcul d’un ouvrage existant (réhabilitation) qui nécessiterait des renforcements, la justification d’une poutre renforcée par un plat soudé sous la semelle inférieure ou sur la semelle supérieure doit prendre en considération les points suivants :
- Il convient de prévoir une liaison entre la poutre et le plat de renfort qui s’oppose à tout glissement (liaison soudée de préférence) ;
- La liaison entre la poutre existante et le plat doit être justifiée en calculant le flux de cisaillement à l’interface ;
- Dans le domaine de comportement élastique, les charges appliquées à la poutre avant renforcement n’engendrent des contraintes que dans la section sans le plat de renfort. Les charges appliquées après renforcement engendrent des contraintes dans toute la section renforcée. Il convient donc de tenir compte des phases de chargement ;
- L’ajout d’un plat de renfort modifie la position du centre de gravité et la répartition des contraintes normales dans la section. Pour la résistance plastique, il modifie la position de l’axe neutre plastique. De ce fait, la classe de l’âme et donc la classe de la section peuvent être modifiées. Des explications sont données dans la suite de ce document.
- S’il est possible de se référer à la résistance plastique de la section (sections de classe 1 ou 2), il convient de vérifier que le moment maximal sous la combinaison d’état limite ultime est inférieur ou égal au moment plastique de la section renforcée sans tenir compte des deux phases de chargement.
- Le plat de renfort ne participe pas à la reprise de l’effort tranchant. Il convient de considérer que la résistance à l’effort tranchant est celle de la poutre avant renforcement ;
- Pour une vérification vis-à-vis du déversement, le moment critique peut être calculé en considérant les caractéristiques de la section renforcée ;
- La flèche finale prise par la poutre est la somme de la flèche prise par la poutre sans le plat de renfort sous les charges appliquées et de celle de la poutre renforcée sous les charges qui sont appliquées après mise en place du plat de renfort.
- Note : un étaiement approprié peut permettre de supprimer les effets du phasage.
- La longueur du plat de renfort est généralement inférieure à la longueur de la poutre. Sa position et sa longueur peuvent être déterminées en fonction de la forme du diagramme du moment fléchissant. Dans ce cas, les vérifications de résistance et de flèche doivent tenir compte de la longueur de la partie renforcée.
Effet d’un plat de renfort sur la classe de la section
Résistance plastique
En flexion simple, l’axe neutre plastique (ANP) divise la section en deux parties d’égales résistances. En ajoutant un renfort sous la semelle tendue ou sur la semelle comprimée, l’ANP est déplacé vers la semelle renforcée comme représenté à la figure ci-après. Conformément au Tableau 5.2 de l’Eurocode 3 Partie 1-1 [1], la classe de l’âme dépend de la position de l’ANP par l’intermédiaire du paramètre a qui représente la proportion comprimée de l’âme.
Il est utile de rappeler que plus la partie comprimée de l’âme est importante, plus l’âme est sensible au voilement local sous les contraintes de compression et plus la classe de l’âme est élevée.

Note : afin de faciliter la réalisation des cordons de soudure sur une poutre en place, entre semelle et plat de renfort, il est préférable de prévoir un plat plus large que la semelle inférieure et moins large que la semelle supérieure.
Résistance élastique
En flexion simple, l’axe neutre élastique passe par le centre de gravité de la section. L’ajout d’un plat de renfort a pour effet de déplacer le centre de gravité vers la semelle renforcée et de modifier la distribution élastique des contraintes dans l’âme comme le montre la figure ci-après.
Note : aucun effet de phasage n’est pris en compte dans les diagrammes de la figure ci-après.

Rappelons que la classe de la section ne dépend pas que de la classe de l’âme mais également de la classe de la semelle comprimée.
Un plat de renfort soudé sur la semelle comprimée doit être classé comme une paroi interne uniformément comprimée. La classe de la section est alors la plus élevée entre celle de la semelle comprimée, celle de l’âme et celle du plat de renfort.
Conclusion
- Ajouter un plat de renfort à la semelle comprimée a pour effet de réduire la partie comprimée de l’âme et est donc susceptible d’en réduire la classe.
- Par exemple, une âme initialement de classe 3 pourrait passer en classe 2 avec le plat de renfort, voire en classe 1. Dans ce cas particulier, le moment résistant est augmenté par l’ajout du renfort et par le passage de la résistance élastique à la résistance plastique.
- Inversement, ajouter un plat de renfort à la semelle tendue a pour effet d’augmenter la partie comprimée de l’âme.
- Par exemple, une âme initialement de classe 2 pourrait passer en classe 3 avec le plat de renfort, voire en classe 4. Dans ce cas particulier, l’augmentation attendue du moment résistant est atténuée, voire annulée, à cause du passage de la résistance plastique à la résistance élastique.
- Il est donc préférable de renforcer la semelle comprimée, sous réserve que les conditions du projet le permettent.
Références
[1] NF EN 1993-1-1 : Eurocode 3 – Calcul des structures en acier. Partie 1-1 : Règles générales et règles pour les bâtiments. AFNOR. Octobre 2005.
Alain Bureau, chef du service recherche construction métallique – CTICM