Boulons ajustés – Partie I
L’utilisation de boulons ajustés, dits aussi boulons plein trou, peut être envisagée pour remplacer des boulons précontraints à serrage contrôlé. Grâce à une résistance unitaire plus élevée, il est alors possible de réduire le nombre de boulons. La mise en œuvre s’avère toutefois plus complexe, en raison de tolérances de montage très faibles. Cette fiche fait le point sur l’utilisation des boulons ajustés.
Ce document est une mise à jour de la fiche publiée dans le numéro 5/2013 de la revue CMI.
Généralités
Les boulons ajustés, dits aussi boulons plein trou, sont prévus pour que le diamètre nominal du trou soit égal au diamètre de la partie lisse de la tige du boulon. Le jeu de montage provient alors uniquement des tolérances sur les dimensions de la tige et du perçage. Ces jeux sont très faibles et le transfert de l’effort de cisaillement se fait directement sans glissement, par pression diamétrale entre la tige du boulon (partie non filetée) et les pièces assemblées.
Néanmoins, ce faible jeu rend la mise en œuvre de ces boulons difficile. Il est en général nécessaire de prévoir un contre-perçage sur site pour s’adapter aux jeux de la structure pendant le montage.
Dans un contexte de justification sismique, une diagonale raccourcie à la fabrication pour rattraper les jeux d’assemblage avec boulons non précontraints et diamètres de trous normaux ne peut en aucun cas être considérée comme équivalente à un système de boulons ajustés. La pratique constituant à utiliser des jeux réduits à d+1 pour les diamètres courants, ou à les diminuer de 0,5 mm conformément à la note c du Tableau 11 de la NF EN 1090-2+A1:2024, n’est pas équivalente à celle boulons ajustés décrite dans cette fiche.

Utilisation des boulons ajustés
Les boulons ajustés sont en général envisagés en alternative aux boulons précontraints à serrage contrôlé, pour les assemblages travaillant sous charges alternées cycliques (par exemple, sous actions sismiques) de façon à limiter les jeux d’assemblage.
Dans le contexte parasismique, l’utilisation pour les assemblages en cisaillement avec soit des boulons précontraints à serrage contrôlé, soit des boulons ajustés est imposée, dans les cas suivants :
- en classe de ductilité DCL, lorsque le coefficient de comportement vaut q = 2, d’après la clause 4.1 (7) des recommandations CNC2M N035 [6] ;
- en classe de ductilité DCM ou DCH, pour les assemblages des éléments dissipatifs, d’après la clause 6.5.5 (4) de la norme NF EN 1998-1 [3].
L’utilisation de boulons précontraints à serrage contrôlé ou de boulons ajustés pour des bâtiments calculés au séisme permet de limiter le risque de rupture fragile par chocs cycliques.
D’une manière plus générale, comme indiqué par la clause 2.6 (2) de la norme NF EN 1993-1-8 [2] pour les assemblages travaillant en cisaillement, les boulons précontraints à serrage contrôlé, ou en alternative les boulons ajustés, doivent être mis en œuvre quand les glissements ne sont pas acceptables pour l’assemblage.
Les boulons ajustés fonctionnent en pression diamétrale, leur capacité de transférer du cisaillement est nettement plus importante que la charge reprise par frottement des boulons précontraints.
Tolérances et jeux
Conformément à la clause 6.6.1 de la NF EN 1090-2 [1], le diamètre nominal du trou doit être égal au diamètre nominal de la partie lisse de la tige. De ce fait, le jeu pour le montage provient des seules tolérances de fabrication du boulon et du trou.
D’après la clause 6.6.2 de la NF EN 1090-2, la tolérance de perçage du trou doit être conforme à la classe H11 de la norme NF EN ISO 286-2 [5]. La tolérance sur le diamètre de la partie lisse des boulons HVP, conçus spécifiquement pour cet usage, est définie par la norme NF EN 14399-8 [4]. Cette tolérance correspond à la classe b11 de la norme NF EN ISO 286-2, qu’il convient donc de suivre en cas d’utilisation d’autres produits de boulonnerie (voir ci-dessous).
Le Tableau 1 résume les tolérances pour le diamètre d0 du trou et pour le diamètre ds de la tige du boulon, résultant de ces exigences. Le Tableau 2 indique les jeux minimum et maximum pour les boulons ajustés respectant ces tolérances.
Lorsque les pièces à assembler sont galvanisées, le respect des tolérances sur la dimension du trou implique un perçage après la galvanisation. Dans ce cas, on protège le trou contre les infiltrations d’eau en privilégiant l’utilisation de boulons précontraints.


Normes de boulonnerie
Pour réaliser des assemblages boulonnés avec boulons ajustés, il est possible d’utiliser indifféremment des produits conformes aux normes suivantes :
- boulons aptes à la précontrainte HR selon la norme EN 14399-3 ;
- boulons aptes à la précontrainte HVP selon la norme EN 14399-8;
- boulons aptes à la précontrainte HRC selon la norme EN 14399-10 ;
- boulons non précontraints SB selon la norme EN 15048, comportant des vis partiellement filetées.
Seuls les boulons HVP conformes à la norme EN 14399-8 respectent automatiquement les tolérances nécessaires pour un usage en boulons ajustés (Tableau 3). Dans ces conditions, le diamètre nominal du perçage est égal à d + 1 mm, correspondant au diamètre nominal de la partie lisse de ces boulons.
Pour les boulons HVP, le diamètre nominal de la partie lisse est égal au diamètre nominal de la partie filetée plus 1 mm. De ce fait, il n’y a pas de risque lors de la pose que les filets viennent frotter contre le trou.
Pour tous les autres boulons, il est nécessaire de spécifier, lors de la commande, la norme du produit et la classe de tolérance sur la tige du boulon (plus sévère que celle de la norme). Dans le cas courant, le diamètre nominal de la partie non filetée de ces boulons est approximativement égal au diamètre nominal de la partie filetée. Pour éviter une difficulté de mise en œuvre au niveau des filets, il convient aussi de spécifier que le diamètre minimal (tenant compte des tolérances) de la partie lisse ne doit pas être inférieur au diamètre maximal de la partie filetée.
Résistance et mise en œuvre
Les exigences constructives pour les boulons ajustés plein trou résultent de la NF EN 1993-1-8 (clauses (2) de 2.6 et (6) à (9) de 3.6.1), de la norme d’exécution EN 1090-2 (en 6.6.1, 6.6.2 et 8.6). Dans un contexte parasismique, la clause 4.1 (7) des recommandations pour le dimensionnement parasismique des structures acier et mixtes non et faiblement dissipatives (recommandations CNC2M N035) peut aussi s’appliquer.
Le plan de cisaillement doit être situé dans la partie lisse du boulon, et la longueur de la partie filetée incluse dans la longueur d’appui d’une des tôles assemblées ne doit pas excéder 1/3 de l’épaisseur de cette plaque (Figure 2). Les boulons HVP ont une longueur filetée assez faible, ce qui leur permet de respecter le critère précédent.
Dans un contexte parasismique, quand le bâtiment concerné est calculé pour une classe de ductilité DCL avec q = 2, ou bien avec les classes de ductilité DCM et DCH, les boulons ajustés doivent être de classe 8.8 ou 10.9.
Les boulons ajustés doivent être mis en place sans appliquer un effort excessif, et de telle façon que leurs filetages ne soient pas endommagés.
La résistance des boulons ajustés peut être calculée de la même façon que celle des boulons utilisés dans des trous ronds normaux (ces derniers avec des jeux selon le tableau 11 de la norme EN 1090-2). Il est néanmoins préférable de considérer une catégorie A (au sens de la clause 3.4.1 de la NF EN 1993-1-8), c’est-à-dire que la précontrainte induite par un éventuel serrage contrôlé n’est pas prise en compte à l’état limite ultime. De la sorte, il est possible de tirer pleinement profit de la résistance importante de ces boulons au cisaillement. En outre, comme le plan de cisaillement passe par la partie lisse de la tige, l’aire de cisaillement est maximisée ainsi que le coefficient dans le Tableau 3.4 de la NF EN 1993-1-8.
De la même manière, une catégorie B de boulons pourrait être envisagée.

Références
[1] NF EN 1090-2 : Exécution des structures en acier et des structures en aluminium – Partie 2 : exigences techniques pour les structures en acier – AFNOR – Février 2009
[2] NF EN 1993-1-8 : Eurocode 3 – Calcul des structures en acier – Partie 1.8 : – AFNOR – Calcul des assemblages – AFNOR – Décembre 2005
[3] NF EN 1998–1 : Eurocode 8 – Eurocode 8 – Calcul des structures pour leur résistance aux séismes – Partie 1 : règles générales, actions sismiques et règles pour les bâtiments – AFNOR – Septembre 2005
[4] NF EN 14399-8 : Boulonnerie de construction métallique à haute résistance apte à la précontrainte – Partie 8 : système HV – Boulons ajustés à tête hexagonale (vis + écrou) – AFNOR – Juillet 2018
[5] NF EN ISO 286-2 : Spécification géométrique des produits (GPS) – Système de codification ISO pour les tolérances sur les tailles linéaires – Partie 2 : tableaux des classes de tolérance normalisées et des écarts limites des alésages et des arbres – AFNOR – Juin 2010
[6] CNC2M N0035 : Recommandations pour le dimensionnement parasismique des structures en acier et mixtes, non ou faiblement
Pierre-Olivier martin, chef du service DAL, CTICM