Les scénarios en ingénierie de la sécurité incendie #4 – exemples d’application
L’annexe E de l’Eurocode 1 partie 1-2 [1] propose une méthode pour déterminer la courbe de débit calorifique pour des scénarios d’incendie généralisé. Elle est particulièrement utile en ingénierie de la sécurité incendie. Toutefois, l’annexe nationale française impose une version légèrement modifiée [2]. C’est cette dernière qui est décrite ici. Cette approche permet de modéliser le développement d’un incendie au sein d’un bâtiment en fonction de ses caractéristiques, telles que le niveau de risque, les matières combustibles présentes ou encore le type d’occupation. Cette fiche présente un exemple d’application de la méthode.
Cet article est le dernier d’une série de 4 consacrée aux scénarios en ingénierie de la sécurité incendie :
1.Les scénarios en ingénierie de la sécurité incendie : généralités et sélection
2.Les scénarios en ingénierie de la sécurité incendie : méthode de l’Eurocode 1 partie 1-2
3.Les scénarios en ingénierie de la sécurité incendie : effets de la ventilation
4.Les scénarios en ingénierie de la sécurité incendie : exemples d’application
Cet article porte spécifiquement sur l’application de la méthode de l’Eurocode 1 partie 1-2 décrite dans les fiches 2 et 3.
Présentation de l’exemple
L’exemple d’application concerne un départ de feu survenant dans un bureau doté d’une fenêtre donnant sur un poteau de bâtiment. Au sein de ce local, de nombreux éléments combustibles sont présents. De plus, les vitrages, dépourvus de toute performance de résistance au feu, peuvent se détériorer relativement rapidement sous l’effet du feu. Le panache de flammes et de gaz chauds sortant peut alors impacter directement le poteau, lui imposant d’importantes sollicitations thermiques. Ce scénario d’incendie, jugé pénalisant en termes de comportement au feu de la structure, est fréquemment traité dans le cadre des études ISI.
Le bureau présente les caractéristiques suivantes :
- Superficie = 28 m2
- Hauteur sous plafond = 2,5 m
- Surface totale des ouvertures = 6,27 m2 environ
- Hauteur moyennes des ouvertures = 1,5 m
La méthode proposée dans l’annexe nationale française de l’Eurocode 1 partie 1-2 permet de construire la courbe de débit calorifique qui décrit l’évolution de la puissance dégagée par l’incendie en fonction du temps, caractérisée par trois phases distinctes : croissance, plein développement et décroissance (jusqu’à l’extinction du feu).

Phase de croissance du feu
La phase de croissance du feu est définie par l’expression suivante :

Où : Q est le débit calorifique en [W] ; Q0 est égale à 1 MW (valeur de Q atteinte au bout de tα secondes) ; t est le temps en [s] ; tα est le temps en [s], nécessaire pour atteindre un débit calorifique de 1 MW.
Pour les espaces de bureaux, une croissance du feu « moyenne » est appliquée, à savoir tα = 300 s (Tableaux 4 et 5 de l’annexe nationale de l’Eurocode 1 partie 1-2).
Puissance maximale
Le débit calorifique maximum théorique est obtenu en multipliant le débit calorifique surfacique maximum qmax du ou des compartiments concernés par la surface S de la zone en feu :

Pour le type d’occupation répertorié dans la zone considérée (espace de bureaux), il est proposé d’appliquer une valeur représentative préconisée dans l’annexe nationale française pour le débit calorifique surfacique maximum : 250 kW/m² (Tableau 6 de l’annexe nationale de l’Eurocode 1 partie 1-2).
La superficie du bureau considéré est de 28 m2, la puissance maximale théorique du feu est de 250 [kW/m2] × 28 [m2] = 7000 [kW], soit 7 MW.
Phase de décroissance du feu
La phase de décroissance est linéaire et débute lorsque 70% de la charge calorifique a été brûlée et se termine quand la charge calorifique est intégralement consumée. Cette dernière est obtenue en multipliant la surface en feu (i.e. la surface du compartiment) par la densité de charge calorifique qf,k et par le coefficient de combustion m :

Dans le cas des matériaux principalement cellulosiques, un coefficient de combustion m=0,8 est suggéré. Pour les bureaux, la charge calorifique retenue est de 740 MJ/m2 (Tableau 3 de l’annexe nationale de l’Eurocode 1 partie 1-2).
La charge calorifique retenue pour le bureau considéré est de 28 [m2] × 740 [MJ/m2] × 0,8 = 16576 [MJ], soit 16,576 GJ.
Il ne reste plus qu’à calculer les temporisations suivantes :


Condition de ventilation
Il convient de rappeler que la courbe de débit calorifique fournie dans la Figure 2 est basée sur l’hypothèse que l’incendie peut se développer pleinement avec un apport d’oxygène sans limite. Dans un incendie réel, la puissance d’un incendie dépend effectivement du combustible présent, mais également de l’air disponible pour oxyder ce combustible. Au sein des bureaux, ce sont les portes et les fenêtres qui déterminent la quantité d’air disponible.
Pour déterminer la puissance en cas de limitation par la ventilation, on s’appuie sur la formule théorique donnée dans l’annexe nationale. Cette formule évalue la puissance en cas de limitation par la ventilation dans un compartiment :

Où : est la surface des ouvertures = 6,27 [m²] ; est la hauteur moyenne des ouvertures = 1,5 [m] ; est le pouvoir calorifique inférieur du bois, égal à 17,5 MJ/kg ; est le coefficient de combustion, égal à 0,8. Ainsi, l’incendie peut atteindre une puissance maximale théorique d’environ 10,75 MW avant d’être limité par la ventilation. Dans le cas présent, la puissance n’est donc pas limitée par la ventilation.
Remarque :
Si le calcul avait conduit à une limitation par la ventilation alors la courbe présentée à la figure 2 aurait dû être ajustée. En effet, la réduction de la valeur de Qmax implique alors de recalculer les valeurs de t1, t2 et t3. Cela aurait conduit à un allongement de la durée de l’incendie.
Références
[1] NF EN 1991-1-2 : Eurocode 1 – Action sur les structures. Partie 1-2 : Actions générales – Actions sur les structures exposées au feu. AFNOR. Juillet 2003.
[2] NF EN 1991-1-2/NA : Annexe nationale à la norme NF EN 1991-1-2. AFNOR. Février 2007.
Huy Quang DONG, chef de projet recherche, CTICM