Essai d’aptitude à l’emploi des boulons SB
Cet article décrit l’essai d’aptitude à l’emploi auxquels sont soumis les boulons non précontraints couramment utilisés en construction métallique. Il en présente les intérêts principaux et fait le lien avec la norme d’exécution et le calcul suivant les Eurocodes.
Les boulons non précontraints en construction métallique
Généralités
Les boulons utilisés en construction métalliques sont traditionnellement séparés en deux catégories : les boulons non précontraints, également appelés « boulons ordinaires », et les boulons précontraints. Cette séparation implique des différences en termes de calcul, de produits utilisés, de mise en œuvre ainsi que de contrôle pour ces éléments. Certains de ces sujets ont déjà fait l’objet d’articles Métalétech pour ce qui concerne les boulons non précontraints :
- Résistance de calcul [1]
- Données géométriques des produits [2]
- Procédure de serrage, y compris le contrôle [3]
Le lecteur intéressé pourra également se reporter au chapitre consacré aux moyens d’assemblages du guide de conception [4].
Les produits utilisés
Les boulons non précontraints permettent l’assemblage de différentes pièces métalliques par mise en butée de ces dernières :
- contre le corps de la vis pour les assemblages fonctionnant en cisaillement et pression diamétrale (Catégorie A selon l’Eurocode 3 partie 1-8 [5])
- contre la tête de vis et l’écrou pour les assemblages en traction (Catégorie D selon l’Eurocode 3 partie 1-8 [5])
Lorsqu’on conçoit un tel assemblage, on utilise généralement des boulons SB conformes à la NF EN 15048 [6]. Un tel boulon est physiquement identifié « SB » (pour Structural Bolt) sur la tête de vis et sur l’écrou, et il dispose du marquage CE pour un usage dans la construction. Le signe CE ainsi que les informations obligatoires associées sont sur l’étiquette [7] et non sur les composants.
Il est également permis par la NF EN 1090-2 [8] d’utiliser des produits aptes à la précontrainte sans les mettre en précontrainte. Cela n’a cependant pas d’intérêt économique pour le constructeur et peut générer des interrogations en cas de perte d’information sur cette particularité de l’assemblage. En effet, le boulon présente alors un marquage incohérent avec les conditions usuelles de mise en œuvre et de calcul pour ce type de produit, ce qui peut générer des erreurs lors de la vérification de structures existantes.
L’essai d’aptitude à l’emploi pour les boulons SB
Intérêt de l’essai
Le principal intérêt de l’essai est de valider l’association de la vis et de l’écrou sélectionnés en tant que système complet : le boulon. Il s’agit notamment de s’assurer que les filets de la vis et ceux de l’écrou sont capables de transférer l’effort de traction agissant sur le boulon sans rompre prématurément.
Principe de l’essai
La partie 2 de la NF EN 15048 [6] décrit les modalités de l’essai d’aptitude à l’emploi. Il s’agit d’un essai de traction de l’association vis + écrou.

Il est exigé que l’effort maximal atteint durant l’essai, noté Fbi,max, soit au moins égal au produit de la section de la partie filetée As par la résistance ultime minimale de l’acier Rm,min.
Note Rm,min est défini dans laNF EN ISO 898-1 [9] et est égal, ou légèrement supérieur, à la résistance ultime nominale notée fub dans l’Eurocode 3 partie 1-8 [5].
Il est permis que la ruine se produise dans la partie filetée, soit en traction (mode de ruine attendu a priori) soit par arrachement des filets. Il est également permis que la ruine se produise par traction dans la partie lisse de la vis pour les boulons en acier inoxydable. A contrario, la ruine ne doit pas se produire dans la tête ou à la jonction entre la tête et le corps de la vis.
Lien entre l’essai d’aptitude à l’emploi et la norme d’exécution
Comme montré sur la figure ci-dessus, l’écrou est positionné de façon à ce que la vis ne dépasse pas d’une longueur supérieure à un pas de filetage. Cela correspond à la condition de mise en œuvre la plus défavorable permise par la NF EN 1090-2 [8]. Cet essai justifie donc que la NF EN 1090-2 [8] soit moins stricte sur ce point que les anciennes normes françaises [10] où la longueur de dépassement minimale de la vis était de deux fois le pas de filetage.
Lien entre l’essai d’aptitude à l’emploi et le calcul suivant les Eurocodes
Dans l’application de l’Eurocode 3 partie 1-8 [5], il est supposé que les boulons utilisés sont conformes à la NF EN 15048 [6]. Seul le calcul de la résistance en traction de la vis est exigé, la possibilité de ruine par arrachement des filets n’est pas explicitement vérifiée. En l’absence d’essai d’aptitude à l’emploi, cette vérification implicite n’est plus assurée.
En dehors du contexte de la construction métallique, les vis et les écrous sont traditionnellement traités séparément : par des normes différentes (ou au moins par des parties différentes de normes) et avec des essais séparés. La bonne association entre une vis et un écrou n’est pas sanctionnée par un essai normalisé. Il peut alors être de la responsabilité de l’acheteur d’une vis et d’un écrou de s’assurer de leur bonne compatibilité, ce qui exige des connaissances particulières sur ces produits.
En principe, le contexte particulier de la construction métallique en Europe facilite le travail du constructeur et limite ses responsabilités concernant l’utilisation des boulons non précontraints.
Quid de la résistance en cisaillement ?
La résistance en cisaillement du boulon dépend essentiellement de la vis, l’écrou n’ayant alors qu’un rôle de maintien. Dans la construction métallique comme dans d’autre domaines, Il est usuellement supposé que les nombreuses exigences de la NF EN ISO 898-1 [9] suffisent à garantir cette performance.
Si on souhaite vérifier expérimentalement la résistance en cisaillement d’une vis, il est possible de se référer à la norme française NF E25-015 [10]. Le référentiel de la marque NF 070 [12] exige d’ailleurs de tels essais de cisaillement dans certains cas particuliers (notamment pour les vis très courtes qui ne peuvent pas être testées en traction).
Note La certification NF 070 sur les boulons de construction métallique constitue une marque de qualité volontaire incluant les exigences du marquage CE mais allant au-delà sur plusieurs aspects, notamment la traçabilité.
Références
[1] Rodier A. (2022). Résistance des boulons ordinaires. Article Métalétech.
[2] Rodier A. (2022). Géométrie des boulons SB ordinaires. Article Métalétech.
[3] PrécoCM : Préconisation pour la pose des boulons de Construction Métallique sur chantier – Fiche I : Serrage des boulons non précontraints. Cetim, Septembre 2019, diffusée sur Métalétech en février 2020.
[4] Rodier A. (2022). Conception des bâtiments simples à ossature en acier. CTICM, ISBN : 978-2-902720-50-7.
[5] NF EN 1993-1-8 (2005). Eurocode 3 – Calcul des structures en acier. Partie 1-8 : Calcul des assemblages. AFNOR. Décembre 2005.
[6] NF EN 15048 (2016). Boulonnerie de construction métallique non précontrainte (toutes parties). AFNOR. Octobre – Novembre 2016.
[7] PrécoCM : Préconisation pour la pose des boulons de Construction Métallique sur chantier – Fiche B : Etiquettes. Cetim, Septembre 2019, diffusée sur Métalétech en février 2020.
[8] NF EN 1090-2+A1 (2024). Exécution des structures en acier – Partie 2 : Exigences techniques pour les structures en acier. AFNOR, Mai 2024.
[9] NF EN ISO 898-1 (2013). Caractéristiques mécaniques des éléments de fixation en acier au carbone et en acier allié – Partie 1 : vis, goujons et tiges filetées de classes de qualité spécifiées – Filetages à pas gros et filetages à pas fin. AFNOR, Janvier 2013.
[10] NF P22-431 (1978). Construction métallique – Assemblages par boulons non précontraints – Exécution des assemblages. AFNOR, Avril 1978, annulée le 07/02/2009.
[11] NF E25-015 (2017). Fixations – Boulons, vis, goujons et tiges filetées à filetage métrique ISO – Essais de cisaillement simple. AFNOR, Mars 2013.
[12] Référentiel de certification NF – Partie 2 : Les règles de certification NF. Certification NF 070 – Boulonnerie de construction métallique. AFNOR Certification, 20/02/2023, révision 11.
Anthony Rodier, chef du service formation, CTICM