Le concept d’ingénierie de la sécurité incendie

Définition

L’ingénierie de la sécurité incendie (ISI) est définie dans l’ISO 13943 comme l’application des méthodes d’ingénierie, fondées sur des principes scientifiques, au développement ou à l’évaluation de conceptions dans un environnement bâti au moyen de l’analyse de scénarios d’incendie spécifiques ou bien par la quantification du risque pour un groupe de scénarios d’incendie.

Méthodologie

Une telle approche, dite performancielle, consiste à identifier les objectifs de sécurité à atteindre, puis à estimer les potentiels de danger d’incendie et les conditions de développement probables du feu, et enfin à évaluer si la conception projetée permettra d’offrir le niveau de sécurité recherché. Elle s’appuie sur une logique d’obligation de résultats. Cette démarche nécessite, bien entendu, une plus grande maîtrise du domaine de compétence en matière de physique du feu (développement et propagation de l’incendie ainsi que ses effets), de comportement humain et de comportement au feu, mais elle permet de s’affranchir des limites de la réglementation prescriptive et une meilleure adéquation des mesures de protection et de prévention des risques réellement encourus, laissant ainsi la créativité et l’optimisation mieux s’exprimer. Les études de conception sont en général plus onéreuses et plus longues mais conduisent bien souvent à des économies substantielles au niveau de la construction, tout en apportant le niveau de sécurité désiré.

Lorsqu’elle est appliquée spécifiquement au comportement au feu des structures, l’Ingénierie de la Sécurité Incendie est dite ingénierie du comportement au feu. Elle peut s’étendre à d’autres domaines, par exemple le désenfumage des bâtiments, et on parle alors d’ingénierie du désenfumage.

Les principales étapes de la démarche ISI sont les suivantes :

• Définition des objectifs de sécurité incendie que l’ouvrage doit atteindre,
• Identification et analyse des dangers dans le bâtiment,
• Sélection des scénarios d’incendie qui seront utilisés pour l’évaluation du niveau de sécurité,
• Choix des méthodes et outils d’évaluation,
• Vérification de l’atteinte des objectifs de sécurité / critères de performance du bâtiment
• Élaboration d’un cahier des charges fixant les conditions d’exploitation, afin d’assurer que les paramètres liés aux scénarios d’incendie retenus seront respectés.

Le processus global d’une étude ISI est décrit sur la figure ci-après. Des étapes supplémentaires, principalement de contrôle, sont parfois imposées par la réglementation suivant la destination de l’ouvrage.

Cadre réglementaire pour l’application de l’ISI en France

L’application de l’ISI et ses modalités dépendent principalement de la réglementation à laquelle est soumis l’ouvrage considéré.

Ingénierie du comportement au feu pour les ERP et les IGH

L’ingénierie du comportement au feu est autorisée en France par l’arrêté du 22 mars 2004 (modifié) relatif à la résistance au feu des produits, éléments de construction et ouvrages émanant du ministère de l’Intérieur. Elle suit le canevas précédent avec les ajustements suivants :

• L’article 6 impose une validation des scénarios d’incendie par les autorités publiques compétentes.
• L’article 15 impose un avis sur étude réalisé par un laboratoire agréé en résistance au feu. Les laboratoires agréés par le ministère de l’Intérieur sont en 2019 au nombre de 3 (Efectis France, CSTB, CERIB).

Il est à noter que dans le cas d’une démarche d’ingénierie du comportement au feu, l’ouvrage doit justifier une stabilité sur la durée totale de l’incendie réel, donc un degré de stabilité au feu « infini » sous scénarios d’incendie réel retenus.

En général, pour simplifier la démarche réglementaire, il s’avère pertinent que le maître d’ouvrage incorpore dès le début de la conception de l’ouvrage concerné (neuf ou existant) le recours à l’approche ingénierie pour justifier la performance incendie de l’ouvrage.

Il est également important de signaler que tout organisme (bureau d’étude, société d’ingénierie…) peut réaliser une étude d’ingénierie du comportement au feu du fait qu’un contrôle est exercé par un organisme certifié.

Ingénierie du désenfumage au feu pour les ERP et les IGH

L’ingénierie du désenfumage est autorisée en France par l’arrêté du 22 mars 2004 complétant et modifiant le règlement de sécurité applicable aux ERP et émanant du ministère de l’Intérieur.

Elle suit le canevas précédent sans autre ajout mais seuls les organismes reconnus compétents sont autorisés à réaliser de telles études. Cette reconnaissance de compétence est évaluée par le Laboratoire Central de la Préfecture de Police qui transmet ses conclusions à la DGSCGC du ministère de l’intérieur.

Ingénierie du comportement au feu et du désenfumage pour les bâtiments d’habitation et les établissements recevant des travailleurs

L’ingénierie du comportement au feu et du désenfumage est autorisée en France par l’article 49 de la loi pour un Etat au service d’une société de confiance (ESSOC) complétée par l’ordonnance 2018-937 du 30 octobre 2018 et le décret n°2019-184 du 11 mars 2019.

Elle suit le canevas précédent avec les ajustements suivants :

• Une attestation d’effet équivalent doit valider la solution retenue dans l’étude. Cette attestation ne peut être délivrée que par un laboratoire agréé ou par un organisme reconnu compétent par le Ministère de l’Intérieur.
• Un contrôleur technique doit vérifier la bonne mise en œuvre de la solution d’effet équivalent, sur la base du dossier que lui aura remis l’organisme qui a délivré l’attestation.

Il est important de noter que l’ordonnance du 30 octobre 2018 et ses décrets ont un caractère transitoire au plus tard jusqu’au 10 février 2020.

Ingénierie du comportement au feu et du désenfumage pour les Installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE)

Pour certaines rubriques de la réglementation des Installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), il est possible de recourir à une étude spécifique d’ingénierie incendie lorsque cela est mentionné dans l’arrêté relatif à la rubrique. Elle suit le canevas précédent avec l’ajustement suivant :

• Suite à cette étude, un avis sur étude peut être demandé par les autorités compétentes en application de l’article L181-13 du code de l’environnement ; on parle alors de tierce-expertise. Le choix de l’organisme de contrôle doit se faire en accord avec les autorités.

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Christophe Thauvoye, chef du service recherche incendie, CTICM