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Catégorie : Pratique et techniques de la CM
21 mars 2022

Classes de ductilité et coefficient de comportement

Pour la conception parasismique d’un bâtiment, le choix de la classe de ductilité et du coefficient de comportement associé représente une étape cruciale. Petit aperçu des enjeux liés à cette décision.

Introduction et contexte

Pour tous les bâtiments situés en zones sismiques (Voir les textes déjà publiés sur métalétech : Partie I : Principes et exigences fondamentales Partie II: Zonage sismique et catégorie d’importance Partie III : Normes de construction parasismique et classes de sol Partie IV : Définition de l’action sismique), la norme NF EN 1998-1 est rendue d’application obligatoire par la réglementation française. Cette norme récente repose sur la notion fondamentale de conception dissipative, laquelle se traduit par le choix d’une classe de ductilité à choisir parmi l’une des trois classes DCL (ductilité limitée), DCM (ductilité moyenne) et DCH (ductilité haute). Le choix de la classe de ductilité a des conséquences importantes et doit intervenir le plus en amont possible lors de la conception.

Cette fiche donne un aperçu sur les notions fondamentales à bien maitriser pour effectuer un choix pertinent de la classe de ductilité, pour les constructions métalliques ou les constructions mixtes acier-béton.

Notion de structure ductile et de comportement dissipatif

La ductilité désigne la propriété d’un matériau pouvant se déformer dans le domaine plastique sans atteindre la rupture. Par extension, il est aussi possible d’associer le terme de ductilité à un bâtiment quand celui-ci peut se déformer latéralement dans son domaine post-élastique sans s’effondrer. Pour un tel bâtiment ductile soumis aux effets d’un séisme, les incursions répétées dans le domaine plastique donnent lieu à une importante absorption de l’énergie sismique sous forme de déformations plastiques hystérétiques.

Lorsque l’absorption de l’énergie par déformations post-élastique est prévue dès la conception, on parle de bâtiment à comportement dissipatif. Dans la norme NF EN 1998-1, le niveau d’énergie absorbée pendant un séisme est représentée par le coefficient de comportement , qui peut varier de  pour un comportement purement élastique jusqu’à des valeurs de l’ordre de  à  pour des structures métalliques.

Pour un bâtiment dissipatif, il a été démontré par Newmark dans les années 1970 que les déformations latérales sont indépendantes de la valeur du coefficient de comportement q et restent égales à celles qui seraient obtenues dans le domaine élastique, c’est-à-dire avec . Inversement, Newmark a aussi montré que les sollicitations sismiques dans les éléments d’une structure dissipative sont divisés par le coefficient , grâce à l’absorption de l’énergie sismique.

Grâce à ces deux propriétés, il est donc possible, pour une structure avec un comportement dissipatif, de réaliser une analyse sismique élastique, nonobstant l’incursion dans le domaine plastique. Dans la norme NF EN 1998-1, le coefficient de comportement  est directement intégré dans les formules du spectre de réponse (Voir l’article « Spectres de calcul de l’Eurocode 8 »). Une analyse sismique par la méthode de l’analyse modale-réponse spectrale fournit donc directement les sollicitations dans les barres incluant déjà la division par q. A contrario, il est nécessaire, pour obtenir les déformations de la structure, de multiplier les déplacements par le coefficient de comportement.

Choix du type de comportement

Pour le dimensionnement parasismique d’une structure, la norme NF EN 1998-1 distingue, pour les structures métalliques et les structures mixtes acier-béton, 3 classes de ductilité DCL, DCM et DCH, associées à des capacités croissantes de dissipation d’énergie sismique représentées par des plages croissantes de valeurs du coefficient de comportement q (Tableau 1). Le choix de la classe de ductilité doit intervenir dès le début de la conception de la structure, même si la valeur de  peut être affinée au fur et à mesure de l’avancement des études.

On retrouve les mêmes classes de ductilité pour les autres matériaux couverts par la norme NF EN 1998-1, à savoir les structures en béton et en bois, sauf pour les structures en maçonnerie. Cette fiche Métalétech ne couvre explicitement que les structures métalliques (§6 de la norme NF EN 1998-1) et les structures mixtes acier-béton (§7).

Tableau 1 : Classes de ductilité et coefficients de comportement pour les structures métalliques

Il existe une grande différence entre d’une part la classe de ductilité DCL, pour laquelle aucun comportement dissipatif n’est escompté et d’autre part les classes de ductilité DCM et DCH. Pour ces dernières, le dimensionnement de la structure repose sur l’hypothèse d’une dissipation de l’énergie sismique associée à une valeur de q généralement supérieure à 2. Dans ce cas, le principe de base repose sur la formation de zones dissipatives au cours du séisme, qui dissipent l’énergie sismique et permettent de limiter le niveau de sollicitations perçues par le reste de la structure. Quand la structure est bien conçue, les efforts sismiques dans les éléments de la structure sont divisés par le coefficient de comportement q. En contrepartie de cette réduction des efforts, une démarche spécifique de dimensionnement en capacité doit être mise en place, se traduisant par des temps d’études plus longs, des dispositions constructives plus coûteuses et des classes d’exécution plus sévères.  

Le choix d’une classe de ductilité DCM ou DCM ne doit donc être envisagé que pour les zones de sismicité les plus élevées, typiquement en France la zone de sismicité 5 et éventuellement la zone de sismicité 4. En outre, il faut souligner que le recours à la dissipation n’a de sens que dans la mesure où la formation de zones plastiques peut effectivement avoir lieu, c’est-à-dire quand le cas de charge dimensionnant est le séisme. Quand la structure est dimensionnée par d’autres charges, par exemple le vent, le recours à la dissipation d’énergie ne permet aucune réduction des efforts sismiques.

Conditions d’application de la classe de ductilité DCL

Dans la norme NE EN 1998-1, certaines limites d’application de la classe de ductilité DCL sont recommandées. En France, pour les constructions métalliques ou mixtes, les conditions encadrant l’adoption d’une classe de ductilité DCL et les valeurs du coefficients de comportement  associées sont précisées dans les Recommandations du BNCM, intitulées « Recommandations pour le dimensionnement parasismique des structures en acier et mixtes non ou faiblement dissipatives » (Tableau 2).

Tableau 2 : Synthèse des conditions d’application de la classe de ductilité DCL en France

Pour les structures métalliques courantes, la valeur q = 1,5 est généralement utilisée avec la classe de ductilité DCL. La valeur q = 1 doit être adoptée pour les ossatures comportant des éléments primaires avec des sections de classe 4, le cas échéant. Son usage est aussi recommandé pour les bâtiments de catégorie d’importance IV, afin de limiter les dommages qui nécessiteraient une réparation après le séisme. Les conditions pour l’utilisation de q = 2 sont détaillées au § 4 des Recommandations.

Il est important de noter qu’une valeur de  peut être adoptée en classe de ductilité DCL  dans toutes les zones de sismicité, à la seule condition de ne pas avoir de section de classe 4 dans les éléments primaires du système de contreventement. Pour rappel, les déplacements obtenus par une analyse basée sur le spectre de réponse de l’EN 1998-1 doivent toujours être multipliés par la valeur du coefficient de comportement adoptée dans l’étude sismique, y compris en classe de ductilité DCL avec .

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Pierre-Olivier Martin, directeur projets de recherche, CTICM

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