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Catégorie : Vérification à la fatigue Amplitude variable Cumul d’endommagement Pratique et techniques de la CM
1 décembre 2025

Exemple de vérification à la fatigue à amplitude variable

Cette fiche présente un exemple de vérification de la résistance à la fatigue d’un détail d’assemblage courant utilisé dans un pont métallique. L’assemblage étudié est soumis à des étendues de contraintes à amplitude variable, reflétant des conditions de service typiques. Deux cas de chargement sont examinés : dans le premier, l’amplitude de contrainte reste inférieure à la limite de fatigue ; dans le second, elle la dépasse. Cet exemple constitue une application pratique des principes de vérification à la fatigue déjà présentés dans la fiche métalétech intitulée « Vérification à la fatigue ».

Généralités

L’exemple de calcul présenté porte sur un assemblage soudé situé dans un pont en construction mixte, construit en France. Ce pont est constitué de quatre poutres principales. Ces poutres sont continues sur cinq appuis. Le détail étudié concerne un assemblage courant de type raidisseur-semelle. En effet, dans les conditions habituelles, les zones les plus sensibles à la fatigue sur les poutres principales sont les semelles inférieures à mi-travée au niveau de l’assemblage des montants verticaux en simple plat sur les semelles inférieures, comme illustré à la Figure 1.

Figure 1: Détail de l’assemblage étudié

L’objectif est de vérifier la résistance à la fatigue de ce détail d’assemblage soumis à deux scénarios de trafic routier, générant des amplitudes de contrainte variables. La durée de vie de calcul est 100 ans. Une vérification de la résistance à la fatigue peut être réalisée à partir des modèles de charge proposés dans NF EN 1993-2 [1]. Cependant, afin d’obtenir une estimation plus précise de la durée de vie, et puisque les étendues de contraintes réelles ont été mesurées, la méthode par cumul d’endommagement a été retenue.

Actions

Les actions considérées sont représentées par un histogramme des étendues de contrainte non pondérées par des coefficients partiels (voir Figure 2). Les données proviennent d’enregistrements continus du trafic routier, réalisés sur un pont pendant une période de 7 jours. Ces mesures, issues de conditions réelles de circulation, offrent un niveau de fiabilité et de représentativité particulièrement adapté aux calculs en fatigue.

L’histogramme permet de comptabiliser les cycles de chargement-déchargement en fonction de l’amplitude des contraintes. Les cycles sont regroupés en classes d’étendues de contrainte, librement définies, avec un pas régulier de 1 MPa pour s’approcher au mieux à la réalité. Par exemple, la première classe regroupe toutes les étendues de contrainte comprises entre 0 et 1 MPa et est représentée par la valeur maximale de 1 MPa. La seconde classe couvre les étendues comprises entre 1 et 2 MPa, représentée par 2 MPa, et ainsi de suite. La Figure 2 illustre les deux cas de trafic considérés :

  • Cas 1 contient au total 62854 cycles par semaine répartis en 40 classes ;
  • Cas 2 contient au total 35421 cycles par semaine répartie en 60 classes.
Figure 2: Histogramme des étendues de contrainte précis

Par souci de clarté pour la suite de cette fiche, les histogrammes détaillés présentés en Figure 2 ont été remplacés par des histogrammes plus sommaires, illustrées en Figure 3. Le nombre total de cycles par semaine reste inchangé, soit 62 854 cycles pour le cas 1 et 35 421 cycles pour le cas 2. En revanche, le nombre de classes d’étendues de contrainte a été réduit à 4 pour le cas 1 et à 6 pour le cas 2, avec un pas de 10 MPa entre les classes. Ainsi, la première classe regroupe toutes les étendues de contrainte comprises entre 0 et 10 MPa, et est représentée par la valeur maximale de 10 MPa. L’utilisation systématique de la valeur maximale par classe peut toutefois conduire à une surestimation de la sollicitation en fatigue. Pour limiter cet effet, il est généralement recommandé d’utiliser un nombre plus élevé de classes, avec un pas plus réduit. Dans le présent exemple, le pas de 10 MPa a été choisi délibérément afin de simplifier l’analyse, tout en conservant une approche prudente.

Figure 3: Histogramme des étendues de contrainte sommaire

Le Tableau 1 résume les étendues de contrainte non pondérées ainsi que les nombres de cycles associés pour les cas 1 et 2.

Tableau 1: Classes d’étendues de contrainte avec les nombres de cycles

Résistances et coefficients partiels

Le détail d’assemblage courant de type « raidisseur-semelle inférieur » correspond au détail constructif N°7 du Tableau 8.4 de la norme NF EN 1993-1-9 [2], associé à la catégorie de détail de ΔσC = 80 MPa (car la largeur de l’assemblage, l, est de 12+10+12=34 mm < 50 mm, voir Figure 1).

Conformément à la clause 9.2 de la norme NF EN 1993-2 [1] les coefficients partiels retenus sont les suivants :

  • Pour les actions (et pour les ponts) :
  • Pour les résistances : Le coefficient partiel γMf est défini dans le Tableau 3.1 de la norme NF EN 1993-1-9 [2]. Dans le cadre de cette vérification, la méthode de durée de vie sûre est appliquée. Vue la conception de la structure du pont, les conséquences d’une ruine peuvent être considérées comme peu importantes et le coefficient partiel retenu pour les résistances est :

Méthode de vérification à la fatigue

La vérification à la fatigue, dans les deux cas d’amplitude de contrainte variable (cas 1 et cas 2), est menée conformément à la norme NF EN 1993-1-9 [2].

La première étape consiste à comparer, pour chaque cas, l’étendue maximale de contrainte extraite de l’histogramme, Δσi,E,max, pondérée par les coefficients partiels, à la limite de fatigue à amplitude constante, ΔσD, définie par la courbe de résistance à la fatigue correspondante. Deux situations peuvent alors se présenter :

  • Lorsque l’étendue maximale de contrainte Δσi,E,max, pondérée par les coefficients partiels, est inférieure à ΔσD,

la vérification à la fatigue est automatiquement satisfaite.

  • Lorsque l’étendue maximale de contrainte Δσi,E,max, pondérée par les coefficients partiels, dépasse la limite de fatigue,

une vérification de la résistance à la fatigue devient nécessaire. Celle-ci est effectuée selon la méthode de cumul d’endommagement de Palmgren-Miner. Une courbe de résistance à la fatigue à amplitude variable sera utilisée dans ce cas.

Lorsque la vérification à la fatigue par cumul d’endommagement s’avère nécessaire, elle se déroule selon les étapes suivantes :

  • pondérer d’abord les étendues de contrainte Δσi,E (Tableau 1) par les coefficients partiels ;
  • calculer les endurances Ni,R, obtenues à partir des équations définissant la courbe de résistance à la fatigue à deux pentes :
  • calculer l’endommagement dû à chaque classe d’étendues de contrainte, pondérée par les coefficients partiels, γFf γMf Δσi,E ;
  • calculer enfin l’endommagement cumulé pour toutes les classes d’étendues de contrainte, selon la règle de Palmgren-Miner.

Il est important de noter que l’endommagement est calculé sur l’intégralité de la durée de vie de l’ouvrage, fixée à 100 ans. À cet effet, les nombres de cycles indiqués dans le Tableau 1 sont multipliés par 52×100.

Vérification à la fatigue pour le cas 1

Pour le cas 1, l’étendue maximale de contrainte Δσi,E,max, pondérée par les coefficients partiels, est évaluée à 46 MPa. Cette valeur est inférieure à la limite de fatigue à amplitude constante, ΔσD=58,94 MPa, ce qui exclut la nécessité d’une vérification à la fatigue par le cumul d’endommagement. La Figure 4 montre que l’ensemble des étendues de contrainte se situe en dessous de cette limite de fatigue. Par conséquent, l’endurance associée à ces contraintes peut être considérée comme infinie.

Figure 4: Cumul d’endommagement dans la durée de vie de calcul de 100 ans – Cas 1

Vérification à la fatigue pour le cas 2

Pour le cas 2, l’étendue maximale de contrainte Δσi,E,max, pondérée par les coefficients partiels, est évaluée à 69 MPa, valeur supérieure à la limite de fatigue à amplitude constante, ΔσD = 58.94 MPa. Par conséquent, une vérification à la fatigue par cumul d’endommagement doit être réalisée, en utilisant une courbe de résistance à la fatigue à amplitude variable.

La Figure 5 présente les résultats pour les six classes d’étendues de contrainte pondérées. Les deux classes dont l’étendue de contrainte est la moins importante (11,5 MPa et 23,0 MPa) sont inférieures à la limite de troncature (ΔσL = 32,38 MPa), ce qui implique une endurance considérée comme infinie pour ces étendues. Les trois classes intermédiaires (34,5 MPa, 46,0 MPa et 57,5 MPa) sont situées entre la limite de troncature et la limite de fatigue (ΔσD = 58,94 MPa). L’endurance correspondante est alors calculée à partir de la formule définie précédemment pour Ni,R avec une pente m2 = 5. Enfin, la dernière classe, correspondant à l’étendue de contrainte maximale pondérée de 69,0 MPa, dépasse la limite de fatigue. L’endurance associée est déterminée selon la formule de Ni,R définie précédemment, mais avec une pente m1 = 3.

Figure 5: Cumul d’endommagement dans la durée de vie de calcul de 100 ans – Cas 2

Les résultats relatifs au cas 2 sont présentés dans le Tableau 2.

Tableau 2: Calcul de l’endommagement cumulé pour la durée de vie de calcul de 100 ans – Cas 2

Le critère de cumul d’endommagement est vérifié dans le Tableau 2, puisque :

La vérification à la fatigue est satisfaite.

Conclusion

Dans cet exemple, un assemblage « raidisseur-semelle », soumis à deux cas de chargement à amplitude variable, a été étudié. Pour le cas 1, les étendues de contrainte étant inférieures à la limite de fatigue, aucune vérification n’est nécessaire. En revanche, le cas 2 présente une étendue de contrainte maximale dépassant cette limite, justifiant une vérification par la méthode de cumul d’endommagement.

Références

[1] NF EN 1993-2 : Eurocode 3 – Calcul des structures en acier. Partie 2 : Ponts métalliques. AFNOR. Mars 2007.

[2]  NF EN 1993-1-9 : Eurocode 3 – Calcul des structures en acier. Partie 1-9 : Fatigue. AFNOR. Décembre 2005.

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Mladen Lukić, directeur de projets recherche, et Kevin Mouradian, ingénieur thésard, CTICM

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